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Ce qui nous rapproche nous différencie et cette différenciation nous rapproche et nous unit

Mme Bougouma Mbaye Fall, en haut à droite sur la photo.

Chers confrères, chères consœurs,

Ce qui nous rapproche nous différencie et cette différenciation nous rapproche et nous unit.

Nous autres, porteurs et passeurs de sens, nous appelons Traducteurs. Par définition, notre rôle consiste, entre autres, à faciliter les relations entre des personnes, des entités et des cultures différentes.

Cette année, le thème de la Journée mondiale de la Traduction, « UNIS DANS LA TRADUCTION », touche plus que jamais au plus près de notre métier. En sommes-nous cependant conscients ? Les traducteurs sont-ils unis ? La traduction nous unit-elle ? Comment ? L’union des traducteurs est-elle possible ? Est-elle-seulement réaliste ?

Devrions-nous donner, encore, la signification de ce vocable : traduction ? Devrions-nous en rappeler le rôle ? Les anciens comme moi n’en auront peut-être pas besoin. Les plus jeunes ? Peut-être bien. Quoique… Ils sont plus outillés aujourd’hui que nous ne l’étions trois décennies presque en arrière.

Qu’est-ce donc que la traduction? Traduction, un mot français, qui, dans ma langue wolof se dit « Tekki », signifiant littéralement « détacher » ce que l’on avait attaché. Un mot non signifié est semblable à un objet non révélé, recouvert d’un tissu attaché. Notre curieuse imagination donne les représentations les plus variées à cette forme de l’objet que le tissu recouvre.

Le rôle de la traduction serait donc d’enlever l’entrave que constitue le tissu et de nous révéler ce qui n’était que partiellement caché. Elle est médiatrice dans cette révélation qui met le mot à nu, du dehors et du dedans. La révélation du contenu particulier du mot, grâce au pont qu’est la traduction, crée en amont de tout dialogue fructueux pour les peuples et les cultures en présence, un limon fertile de compréhension mutuelle.

C’est grâce à la vertu de la traduction, la magie de l’écriture et l’invention de l’imprimerie avec Gutenberg que les pensées de grands hommes et femmes ayant vécu dans des peuples divers situés sur des continents différents, ont fait le tour de la Planète Terre. Les traducteurs y ont joué un rôle primordial.

Alors se pose cette question : la traduction unit-elle les traducteurs et traductrices ? Comment ? Sommes-nous unis ? L’union des traducteurs est-elle possible ? Est-elle-seulement réaliste ?

En général, nous travaillons séparément, seuls devant notre feuille de papier (à conjuguer au passé !) ou devant notre ordinateur. Rarement avec un confrère ou une consœur à côté. Quelquefois oui, mais à distance pour une question ou deux. Il nous arrive de recommander un collègue si nous ne pouvons répondre positivement à une offre de travail. Mais sommes-nous pour autant unis ? Nous travaillons rarement en binômes.

Me revient le souvenir de jours, il y a longtemps, où des collègues et moi travaillions « façon turbo ». J’étais à l’ordinateur et les collègues le texte à traduire à la main ! Ils me dictaient leur traduction et je tapais, tapais, tapais… L’urgence exigeait toujours cette formule, mais le plaisir de procéder de la sorte était réel et les relations forgées durables, pour ne pas dire éternelles.

Dans ce processus, l’expérience me conforte : il est beaucoup plus enrichissant de traduire à deux ou plus que seul. Enrichissant du point de vue du résultat mais aussi financièrement. Les temps le dictaient alors. Nous étions au moins deux à nous enivrer du plaisir d’avoir réalisé un travail remarquable, dans des délais très courts, à des tarifs raisonnables (justifiés par la date de livraison que seule la « façon turbo » permettait). Ce travail était réalisé à l’unisson, en union de compétences.

La personne en charge de la traduction porte un lourd fardeau car d’elle seule dépend la compréhension ou l’incompréhension de ceux qui veulent dialoguer : le lecteur et son livre, le séminariste et le présentateur, des négociateurs, etc.

Lorsque la Paix dans le monde est menacée et que des négociations sont entamées pour trouver des issues, des peuples qui ne se comprennent pas sont en présence : la traduction devient une exigence. En ces moments là, plus que dans d’autres, la responsabilité du traducteur est à son paroxysme puisque toute erreur d’interprétation peut être lourde de conséquences. C’est alors que travailler ensemble, à l’unisson, prend tout son sens. Une fois l’habitude du travail collaboratif installée, nous réagissons mieux en artistes des mots, même seuls, car l’expérience de l’union nous aura déjà beaucoup appris.

L’impact du ou des mots sur le traducteur, peut inhiber pour un temps plus ou moins long ses facultés de traducteur tout court, pour le projeter dans le domaine de la diplomatie en recherchant la meilleure manière de rendre ce que l’un a dit, sans pour autant froisser l’autre. Ne dit-on pas en wolof que « Ku nettali yaa wax ? » (C’est celui qui raconte qui est véritablement l’auteur du propos)

À l’intérieur des aires multiculturelles, la traduction permet de bannir les barrières ethniques et de faciliter la cohabitation pacifique. D’où cette union qui nous permet, avec le temps, d’apprendre l’un de l’autre, de retenir des formules utilisées dans un moment d’intenses échanges entre collègues de cultures linguistiques et de perceptions différentes.

Quelles sont les qualités requises pour une bonne traduction ?

* La maîtrise parfaite des langues et cultures en présence est obligatoirement la première.

* L’honnêteté est certainement la seconde.

* La troisième est sans nul doute la culture générale sans cesse renouvelée.

* La quatrième est la libération de l’emprise captivante de la charge des mots.

La traduction est décidément un exercice délicat pour un être humain. En effet, comment le traducteur va-t-il ou elle se prémunir de l’impact du mot sur lui même avant de le signifier à l’autre ? Puisque nous sommes en plein troisième millénaire, nous pensons forcément aux TIC pour pallier aux défiances émotionnelles de l’être humain.

Le travail collaboratif – en union ? – des traducteurs pourrait donc faire de notre corporation le lieu d’une intercession obligée de la retransmission du message de l’un vers l’autre, de ceux-là qui communiquent même quand c’est une machine qui prend le relais.

La complexité de l’exercice que constitue la traduction doit donc nous pousser à l’examiner sous différents angles de l’assouvissement des besoins de compréhension des consommateurs potentiels que sont les futurs lecteurs ou auditeurs.

D’où le besoin pressant d’une unité, à défaut d’union, des traducteurs pour le bonheur de tous : traducteurs et consommateurs de traduction. Oui, les traducteurs unis auront mis tout leur savoir et tout leur cœur à l’ouvrage fini.

Traduire ou trahir ? Notre souhait est de rester fidèle à l’esprit de l’autre, celui là même qui nous fait confiance en demandant d’intercéder entre lui et l’autre et pour lui rendre compréhensible le contenu de notre dire. Car dans l’exercice périlleux de la traduction les thèmes et les langues qui changent en font une activité où le challenge est omniprésent et « l’entre-soi » quelquefois facteur bloquant.

Quelle merveille que des piaillements dans une langue puissent se dire en d’autres piaillements d’une autre langue. Et, pour clore le débat et fermer la langue aux langues, le livre les enferme toutes, ensemble ou isolément, contre leur gré dans un silence que seul vient troubler de temps à autre la curiosité d’un lecteur ou d’une lectrice en mal de communication. On dirait tout de même que la bonne traduction participe aux dialogues des peuples et des cultures. Union parfaite entre les trois parties, facilitée par l’union des spécialistes traducteurs.

Nous travaillons très bien en solo. À plusieurs, les passeurs de sens y gagnent car chacun aura apporté sa part de génie. Le résultat de cette union enrichit et nous rend meilleurs.

C’est avec la même approche qu’unis, nous développerons notre association. Nous la rendrons plus professionnelle, reconnue de tous et par tous. L’union faisant la force, efforçons-nous de toujours participer du mieux que nous pouvons à la vie de l’ASTRA, cette Étoile qui nous permettra de briller tous et toutes, ensemble.

Oui, ce qui nous rapproche nous différencie et cette différenciation nous rapproche et nous unit.

Bonne Journée mondiale de la Traduction à tous et à toutes !

Bougouma Mbaye Fall

Traductrice indépendante, membre de l’ASTRA et de l’American Translators Association (ATA)

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